dimanche 30 mars 2008

Extrait 1

juste le début de quelque chose.


une histoire ? non.


un scénario ? non.


un roman ? encore non.


un conte pour enfants ? toujours non.


alors quoi ?


une nouvelle ? une BD ? un poème ? une épopée ?


NON ! NON ! NON ! là tu te dis que je suis contrariante.


juste un écrit sans nom, sans forme, sans but, sans titre, sans début, sans fin, sans personnages, sans lieux, sans trame...


étrange, originale, sensas', bizarre, illisible, marrant, incompréhensible ...? peu importe.


en tant que lecteur, tu dois te sentir à l'aise avec ce que tu lis, tu as une sensation de complicité avec les protagonistes, tu te reconnais dans telle ou telle personnalité, pas ici.


gênant ? tant pis.


si c'est le cas, arrête ta lecture ici, ce n'est pas grave, moi ça ne me gêne pas.


intrigué je sais que tu poursuis la lecture de ces lignes. Mes yeux sont à travers ces mots, je te vois, je perçois ton regard étranger sur cet écrit.


je te parle directement lecteur.


tu es sous mon influence, mon pouvoir.


là tu es révolté genre " nan mais personne n'a la main sur moi ! personne ne me contrôle ! je suis un être avec ses libertés ! " etc etc blablabla on connait le discours du révolté primaire avec l'argument des droits de l'Homme et du Citoyen ( livre de chevet du pseudo-révolutionnaire ).


mais, à moins que je ne me trompe, tu continues tout de même, non ?!


héhé, je suis maître de tes sentiments et de ces mots.


je peux faire de toi un lecteur triste, amoureux, joyeux, inquiet, effrayé, en haleine, lassé, riant aux éclats, pensif etc etc...


là tu es jaloux ou tu te demandes vraiment ce que tu es entrain de lire, ne t'en fais pas, il y a une fin ( ce n'est pas forcément vrai mais l'écrivain se doit de mentir un peu et d'embellir ces lettres pour que tu restes jusqu'au bout ).


pourquoi as-tu choisis de bouquiner ceci ? pris par hasard ? conseillé par un ami ? vu sur une publicité dans le métro ? pour te distraire dans la salle d'attente de ton ophtalmo ? afin de ne pas entendre ton prof de maths ?


je pourrais trouver encore de nombreuses raisons mais tu as la tienne ( il y a de nombreuses chances pour que je ne l'ai pas citée ).


il doit être difficile de s'intégrer dans le monde de l'écrivain dont on dévore ( ou dont on brûle dans la cheminée ) le chef-d'oeuvre ( ou ce qui te sers comme distraction aux toilettes ).


en bref, chaque écrivain a son style et sa délicatesse à poser des mots et des phrases, embellies au maximum pour te favoriser la lecture, sur des pages blanches ( qui sont censées ne plus l'être après ).


j'espère que le mien ne te déplait pas.


STOP ! TAIS-TOI !


tu oublies que mes yeux et mes oreilles font partis de ce qui fait que cet écrit est (de) moi. je t'entends penser, je te vois froncer les sourcils, s'il te plait garde tout cela pour ton toi profond. ce n'est pas que ton avis ne m'intéresse pas mais aujourd'hui je ne veux pas savoir, un autre jour peut-être.


je sais ce que tu dis là " mais n'importe quoi ! ça se trouve je ne vais le lire qu'une seule fois son truc ! "


j'avais anticipé cette réaction de la part d'un pauvre lecteur pitoyable comme toi.


là tu pries pour que je ne parle pas de toi mais des autres lecteurs qui auraient pu passer par là avant toi.


ce n'est pas grave tu sais. chaque lecteur a sa sensibilité.


j'avoue que c'est le plus dur à gérer.


il y en a certains que je dois faire pleurer de rire, d'autres pleurer de tristesse, d'autres encore préfèrent se sentir anxieux et inquiets, d'autres aiment réver du prince charmant ou d'une interminable plage de sable à Thaiti.


j'ai un emploi du temps ultra-chargé mine de rien !


vous êtes tous tellement différents.


je parle comme si le "vous" était une espèce à part.


il y a quand même, malgré ce que certains peuvent dire sur le sujet, un fossé qui nous sépare, lecteur.


j'écris j'écris, tu lis tu lis. nous nous complétons mais ça en reste là.


je suis derrière un écran ( pour les modernes ) ou avec une plume, à gratter du papier toute la journée, je transpire à force de me casser la tête pour que tout soit parfais pour toi et aussi parce que le mouvement des bras devient fatiguant à la longue ( le prochain programme de Fitness pour mincir sera de faire écrire les gens toute la journée ). je ne bois que du café pour tenir le coup. je me fais refouler par des dizaines de maisons d'édition avant de trouver celle qui dira "votre style n'est pas désagréable à la lecture". je fais des schémas sur de grands tableaux noirs pour que mes enquêtes policières tiennent debout et en haleine. je vais à la rencontre de vieux gens qui bégaient pour avoir la réalité vraie de l'Histoire. je voyage pour la qualité de mes descriptions. je n'accomplis pas mon devoir de citoyen modèle-écolo car j'utilise énormément de papier et d'encre. je ne dors pas la nuit car "il faut que je finisse ce chapiiitreeeeuh" ( imagine la voix fatiguée, rauque du trop pleins de café ). j'attrape des rhumes car laisser la fenêtre ouverte quand je travaille, ça m'inspire. ma "bosse de l'écrivain" est bien au-dessus de la moyenne nationale. je sens mauvais, mal rasé (pour les hommes bien entendu), vêtu (plus ou moins en fait) simplement d'une vielle chemise, d'un caleçon et de chaussettes de tennis. les écrivainEs sont mieux habillées car ce sont des femmes (je suis navrée d'être réaliste) et toujours un peu plus que leurs concurrents mâles. je m'aide des écrits des autres car eux, ils auront déjà fait tout le travail précédent, ils seront déjà sortis chercher le courrier à moitié nu, les yeux enfoncés et des restes de pizza coincés entre les dents, leurs facteurs savent qu'ils sont écrivains, tout l'immeuble aussi alors c'est normal aux yeux de tous, sauf quand le voisin de palier invite sa charmante cousine à boire le café sur les coups de 14h, heure à laquelle l'hermite, d'un pas lent mais décidé, va ouvrir sa boite aux lettres. tant pis.


donc plagiat ? non, juste "pas folle la guêpe".


oui je peux te l'avouer que les bouquins de mes amis sont des pompes car de toutes les manières, ça se verra. tant pis. évite juste de le crier sur tous les toits.


toi lecteur, tu es là allongé avec un thé, un oreiller moelleux, une couette bien trop grosse pour toi tout seul (peut-être ne l'es-tu pas mais cela ne me regardes pas).


peut-être lis-tu avec de la musique dans les oreilles, c'est vraiment dommage. bien que j'admire les gens qui peuvent faire ces deux actions-là à la fois (car, je n'en ai pas honte, j'en suis incapable), à mes yeux, c'est du gachis que de ne pas profiter pleinement d'un bon livre (même s'il est vraiment nul), pour simple respect de l'auteur et de la difficulté que je t'ai démontré précedemment.


une fois ta lecture finie, que fais-tu ? tu le conseilles ? tu le ranges ? tu le rends à la médiathèque ? tu le gardes encore quelques minutes dans tes mains, tu le retournes plusieurs fois comme pour admirer l'objet en lui-même (ou pour être certain d'avoir bien compris de quoi ça parlait ?).


et si tu n'as pas aimé ? essayes-tu de comprendre pourquoi ou le ranges-tu vite fait comme si tu ne l'avais jamais ouvert, d'un geste rapide comme de honte?


je m'arrêterais là.


imagine un peu le nombre de visages différents que j'ai vu !


encore jaloux toi qui ne rêve que de voyager ? héhé !


mon pouvoir marche toujours.


mais j'avoue qu'il y a des minois plus agréables à regarder que d'autres, voir des nez de trop près m'est parfois désagréable.


le tien est sympathique (ton minois tout autant que ton nez).


merci de ta compagnie pendant ces quelques minutes.


tu n'as rien compris ? tu restes sans voix ? tant pis.


un écrivain est un maître, autant qu'un peintre ou qu'un sculpteur.


il a gravé pour toujours des mots sur des pages qui seront retournées, déchiffrées, déchirées, incomprises mais reste désormais un simple nom sur une couverture ou dans les manuels de français.


il reste dans les mémoires de tous par de simples mots posés avec poésie, entourés d'un pouvoir (ce fameux pouvoir !) attracteur, envoutant et charmeur.


aucune personne qui écrit n'est "un écrivain parmis tant d'autres".


sur ce, retiens ce que tu veux prononcé par hasard ( pas tant que ça ) dans ces paroles à la volée.


lui est là, présent dans chaque phrase lue, dans chaque regard admiratif d'un lecteur amoureux de littérature et qui se dit "je veux écrire et devenir éternel".


encore mieux qu'un élixir de vie ou une fontaine de jouvence, tout ou rien.


aucun but, aucun message particulier.


a toi de le décrypter s'il est présent.


"ne pas oublier, juste être graver autre part que sur une pierre tombale ou un certificat de décès".

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